Pour Areva, le contrat remporté auprès de l'italien Sogin annonce-t-il le sursaut espéré dans le domaine du traitement-recyclage ? Le leader mondial du nucléaire veut le croire. Jacques Besnainou, qui dirige en son sein les activités « aval » du cycle du combustible, y voit en tout cas un signe avant-coureur, « qui permettra à d'autres de franchir le pas ».
« Pour la première fois depuis vingt ans, observe-t-il, un nouveau pays entre dans le club de ceux qui ont choisi de traiter leurs combustibles usés. » Cela ne veut pas dire que tous les pays disposant ou ayant disposé d'installations nucléaires vont soudainement renouer avec cette option très controversée. Mais, aux yeux de ses promoteurs, l'effet combiné de la relance du nucléaire et de la flambée du prix de l'uranium devrait tôt ou tard redonner un avenir au traitement et au recyclage des combustibles usés. Sans le dire ouvertement, d'anciens clients tels que l'Allemagne, la Suisse, la Belgique ou l'Espagne s'intéresseraient de nouveau au sujet.
Dans l'immédiat, le contrat italien est une bouffée d'oxygène pour Areva et son usine de la Hague (Manche). Le groupe français s'est engagé à traiter 235 tonnes de combustibles nucléaires usés, issus des centrales de Caorso, Trino et Garigliano, aujourd'hui à l'arrêt.
Exportation du savoir-faire
En considérant qu'une dizaine d'années seront nécessaires au traitement de ce combustible, 23,5 tonnes par an viendront donc enrichir le plan de charge de l'unité normande, qui en a bien besoin... Capable de traiter chaque année jusqu'à 1.700 tonnes de métal lourd irradié, l'usine de la Hague n'en a produit que 1.015 tonnes en 2006. Progressivement, les stocks de combustibles allemands, belges et suisses se sont amenuisés et ont été réexpédiés dans leurs pays d'origine. Si bien qu'aujourd'hui 90 % de l'activité traitement d'Areva dépend du seul EDF. Le solde correspond à des contrats signés avec des clients néerlandais et australiens. C'est dire que le combustible transalpin est attendu avec impatience dans la Manche.
Sans exclure d'autres accords de ce type en Europe, le réveil du retraitement nucléaire passe aussi par l'exportation du savoir-faire d'Areva dans les pays souhaitant se doter de leur propre filière. Le sujet fait notamment partie des discussions engagées avec les autorités chinoises. Dans le cadre d'un « partenariat global », le groupe présidé par Anne Lauvergeon espère à la fois pouvoir fournir à la Chine des réacteurs nucléaires, collaborer avec elle dans le domaine minier et jeter les bases d'une coopération dans l'aval du cycle du combustible.
Les équipes d'Areva fondent aussi beaucoup d'espoirs sur les Etats-Unis, où l'administration Bush s'est elle aussi convertie au traitement-recyclage. Associé au japonais JNFL, ainsi qu'aux ingénieristes américains Washington Group International et BWXT, le groupe français a remis l'an passé une « déclaration d'intérêt » aux autorités américaines, pour participer à la construction d'une usine de retraitement. Il compte répondre très prochainement à l'appel d'offres lancé par le département américain de l'énergie pour arrêter le « design » de cette installation, censée voir le jour à l'horizon 2020.
Source : Les Echos