Si l’avenir de l’hydrogène apparaît encore lointain aux yeux de certains, il l’est beaucoup moins pour la Commission européenne qui vient de terminer sa consultation relative à sa proposition préliminaire de règlement sur les véhicules fonctionnant à ce vecteur d’énergie. Pourquoi aussi tôt? A l’origine du projet, ce sont en fait les constructeurs européens. «Lorsqu’une nouvelle technologie se développe, il y a tiraillement entre le législateur qui veut légiférer au moment de sa maturité, et l’industriel qui ne souhaite pas se lancer sans un cadre réglementaire précis», explique Lionel Perrette, ingénieur de la sécurité des procédés à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris). Une position facile à comprendre: un constructeur qui parie sur le stockage de l’hydrogène à 700 bars sera mis en difficulté si on lui annonce, au moment où commence la production de masse de ses bonbonnes, qu’il ne peut pas y avoir recours.
De nombreux risques sont liés à l’utilisation de l’hydrogène, qu’il s’agisse de sa production, de son transport, de son stockage ou de sa distribution. Ce gaz est classé «extrêmement inflammable», avec un domaine d’inflammabilité très large (1) et une déflagration qui se produit à partir d’un apport d’énergie d’inflammation très faible (2). Or, l’histoire du GPL qui a été à l’origine de plusieurs accidents en France, montre à quel point la maîtrise des risques est importante pour l’acceptabilité sociale de la technologie. «Il faut passer de l’utilisation industrielle -pour laquelle les risques sont maîtrisés- à l’utilisation grand public qui pose de nouveaux défis», précise Samira Chelhaoui, ingénieure à l’Ineris. Ainsi, l’industrie a pris l’habitude de stocker l’hydrogène à l’extérieur, ce qui ne sera pas possible pour son utilisation dans les véhicules, souvent stationnés dans des garages ou des parkings souterrains.
A l’heure actuelle, de nombreux acteurs s’intéressent à ces risques, notamment l’Ineris et le CEA côté français. De son côté, l’Organisation internationale de normalisation (Iso) a créé un comité technique appelé TC 197. Toutefois, la manière dont doit être envisagée la maîtrise des risques reste controversée. La réglementation sur les véhicules se fait généralement à l’échelle mondiale, sous l’égide des Nations unies. «Mais les constructeurs japonais, américains et européens ne s’entendent pas sur les termes de l’accord, explique Lionel Perrette. La Commission européenne veut donc mettre en place une réglementation communautaire provisoire.»
Mais son parti pris est remis en cause. Dans le cadre du projet européen Hysafe, l’Ineris a ainsi rendu une réponse très critique à la consultation sur le projet de règlement. «Celui-ci ne retient qu’une approche composant: pour qu’un véhicule hybride soit conforme à la réglementation, il faudra que chacun de ses composants soit conforme, explique l’expert de l’Ineris. Selon les membres d’Hysafe, une approche plus globale du système, avec l’examen des principaux composants, permettrait de mieux maîtriser les risques, notamment en cas de fuite accidentelle.»
(1) Domaine d’inflammabilité de 4 à 75% du volume dans l’air
(2) L’apport d’une énergie d’inflammation est de 0,02 millijoule (mJ) contre 0,29 mJ pour le méthane
Source : Le Journal de l'Environnement
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