Passivhaus, maison 3 litres, Zero Energy Homes, Compass, Minergie... Les bâtiments expérimentaux à faible consommation d'énergie poussent comme des champignons dans le monde entier. Et le mouvement atteint maintenant la France, constate le premier rapport, qui sera prochainement publié par le Programme de recherche et d'expérimentation sur l'énergie dans le bâtiment, Prebat. « Nous pensions le qualifier de balbutiement, nous avons écrit que c'est un foisonnement », s'étonne Jean Carassus, l'auteur de cette analyse internationale, du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
Le logement génère 23 % des gaz à effet de serre, c'est un levier désormais indispensable pour atteindre l'objectif français de diviser par quatre les émissions en 2050. Les six agences fondatrices du Prebat (dont l'Ademe ou Oséo Anvar) ont demandé un état de l'art de ces expériences. Ce sont les régions en France qui se montrent les plus actives, à l'instar des Etats américains, beaucoup plus engagés qu'au niveau fédéral. Quatre régions sont particulièrement actives dans l'expérimentation d'écoles, de bâtiments administratifs ou de lotissements économes. L'Alsace en premier, proximité avec l'Allemagne oblige, la Franche-Comté et Rhône-Alpes, en voisines de la Suisse, ainsi que le Languedoc-Roussillon. Elles fédèrent actuellement la préparation d'un label Effinergie, comparable au label suisse Minergie.
Dans le privé aussi, les initiatives ne manquent pas. Plusieurs industriels comme Saint-Gobain et deux banques ont formé un groupe d'influence en faveur de l'isolation. Schneider a décroché un projet de 80 millions d'euros sur la domotique de gestion d'énergie, subventionné à 45 % par l'Agence de l'innovation industrielle.
Dans le monde, seuls trois pays ont dépassé le stade de l'expérimentation. L'Allemagne a construit 5.000 maisons Passivhaus et 12.000 maisons 3 litres. Aux Etats-Unis, 31.500 constructions ont obtenu le label « Building America » et 356 bâtiments tertiaires sont labellisés LEED, 3.000 attendent de l'être. Les Japonais se sont aussi engagés de longue date dans cette voie, avec un atout de taille : leurs maisons sont construites en matériaux légers et leur durée d'exploitation n'excède pas trente ans pour la moitié du parc. Ils ont donné la priorité à l'énergie photovoltaïque, qui équipe d'ores et déjà 58.000 maisons.
Chaque pays a sa propre stratégie selon ses priorités et ses caractéristiques. Cette étude qui, loin de se limiter à la technique, explore aussi les aspects économiques et sociaux, montre que les motivations des investisseurs dans ces bâtiments ne sont pas d'abord l'économie d'énergie mais l'amélioration du confort, puis la sensibilité environnementale ainsi que la volonté d'apparaître moderniste comme au Japon.
Les prototypes allemands misent sur l'isolation maximale avec une obsession sur l'étanchéité à l'air. Cette approche implique une ventilation double flux avec échangeur de chaleur et des vitrages triples. Ces bâtiments dénués de chauffage traditionnel exigent une adaptation du comportement : pas question d'ouvrir les fenêtres par temps froid. Les Suisses ont créé une approche moins radicale.
Les programmes résidentiels américains et japonais mettent moins l'accent sur l'isolation mais davantage sur la production d'énergie. Les premiers ont pour objectif de lisser les pics de consommation d'électricité qui perturbent régulièrement leur réseau. Ils adoptent donc des chaudières haute efficacité et des chauffe-eau solaires.
Selon le rapport, la stratégie de la construction tertiaire américaine constitue une troisième voie qui plébiscite la qualité environnementale. Les investisseurs des immeubles LEED mettent en avant un cadre de travail sain et des économies d'énergie dans une approche similaire à la norme HQE française. Une étude américaine estime même que ces nouvelles constructions améliorent la productivité du travail des employés qu'elles abritent. Un gain de 0,5 % suffirait à justifier ces constructions.
Le rapport du CSTB doit maintenant éclairer la politique de recherche du Prebat. Les auteurs déconseillent en particulier l'approche adoptée par les Pays-Bas, avec un pilotage par l'Etat, qui ne s'est pas avérée probante. Ces experts estiment toutefois que la démarche allemande et suisse est plus appropriée au parc français que ses concurrentes. Les premières Passivhaus sortent d'ailleurs de terre dans l'Oise.
Pour Jean Carassus, la recherche doit mettre l'accent sur la réhabilitation : « C'est là que les percées technologiques vont apparaître, dans les isolants minces par exemple. »
Tout un pan de la recherche devra aussi viser la mise au point de mécanismes innovants de financements pour absorber le surcoût de ces technologies. Le gouvernement a ainsi augmenté le plafond du Codevi pour faciliter les travaux des particuliers. Dans le même esprit, Carrefour et Accor se sont engagés dans des améliorations de leurs supermarchés ou hôtels en s'équipant auprès de Schneider Electric et Siemens qui leur garantissent par contrat un retour de leurs investissements.
L'Agence nationale de recherche et l'Ademe n'ont pas attendu ces réflexions pour lancer les deux premières années du Prebat. Cet été, la nouvelle programmation a sélectionné une vingtaine de projets. Parmi les innovations, on trouve des fenêtres à isolation active pour les travaux de réhabilitation, des équipements de climatisation et de ventilation économes, ou un système de stockage géothermique d'énergie. Le Prebat va aussi soutenir l'expérimentation des premiers prototypes de maisons à énergie positive dans un lotissement de Saint-Grégoire près de Rennes.
Les objectifs du plan Prebat
· Bâtiment existant :
- Pour 2010 : une consommation de chauffage de 50 kWh/m2,
rentable après vingt ans.
- Pour 2015-2020 : une consommation totale inférieure
à 80 kWh/m2 ; retour
sur investissement : 15 ans.
· Bâtiment neuf :
- Pour 2015-2020 :
une consommation totale inférieure à 50 kWh/m2.
Source : Les Echos
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