Le réchauffement climatique a rendu incontournables les acteurs de l'éolien, du solaire, ou encore des biocarburants. Mais leur envolée boursière commence à alarmer. Pour l'instant, rares sont ceux dont l'activité est viable sans subventions. Celles-ci leur offrent des rentabilités artificiellement élevées, au risque d'alimenter une bulle verte
Après la bulle Internet en 2000, existe t-il aujourd'hui une bulle verte ? c'est la question que se pose le gouvernement, alors qu'Areva et l'indien Suzlon se sont lancés dans de folles surenchères pour l'achat du spécialiste allemand de l'éolien Repower. C'est aussi la question qui taraude les investisseurs. Aujourd'hui, le réchauffement climatique et la volonté occidentale de sécurité énergétique ont rendu incontournables les acteurs des énergies renouvelables que sont l'éolien, le solaire et les biocarburants. Deuxième raison à cet engouement, le secteur amorce un tournant. " Les investisseurs généralistes sont davantage présents depuis 18 mois, ce qui correspond au passage à la production de nombre de sociétés jusqu'alors en phase d'ingénierie et de design", observe Sandy Christie, gérant chez Blackrock Merrill Lynch du plus gros fonds de gestion collective du secteur, ML New Energy. De nombreux fonds spécialisés sur le thème vont être lancés dans les mois à venir, contribuant à la hausse boursière par un afflux de capitaux, répondant à une demande qui est devenue mondiale. " Depuis un an, notre fonds a de plus en plus de clients français, alors qu'auparavant ils étaient essentiellement allemands, nordiques et anglais", observe Arthur Hoffmann, gérant chez la banque suisse Sarasin du fonds Sarasin New Energy.
Les investisseurs accourent alors que les valorisations atteintes font désormais débat, même si pour certains, le marché reste rationnel et se fixe des limites. " Typiquement, les valeurs du solaire et de l'éolien sont valorisées à un PER de 30 à 35 leur résultat 2008, quand on dépasse ce niveau on constate un mouvement de vente ", assure Bjoern Tore Urdal, analyste chez la société de gestion spécialisée Sustainable Asset Management. En France, où les deux seules grandes valeurs du secteur sont les opérateurs de fermes éoliennes Theolia et EDF Energies Nouvelles (EEN), le cours de Theolia s'est envolé de 130% depuis janvier, alors qu'il est coté depuis 2002. Il représente 47 fois les bénéfices estimés pour 2007 selon le consensus établi par Bloomberg. Certes, en 2008, ce ratio décroît à 29 mais celui d'EDF Energies nouvelles, introduit en Bourse en novembre, culmine à 81 pour 2007 et reste à 36 l'an prochain, quand EDF s'échange sur un multiple de 21...
Analystes et gérants reconnaissent que le secteur a une dimension spéculative. L'OPA lancée par Areva sur le fabricant de turbines éoliennes REpower en novembre a rappelé que les grands groupes de l'énergie (ainsi que les équipementiers comme Alstom) développent une filière énergies renouvelables et recherchent des acquisitions. Preuve de cette spéculation, désormais, à chaque surenchère de l'indien Suzlon et d'Areva, les valeurs éoliennes grimpent un peu plus, au point de surperformer depuis novembre le secteur solaire, pourtant habituellement plus haussier car plus jeune. Par ailleurs, les énergies renouvelables ont acquis en Bourse une dynamique propre. " Jusqu'en juin 2006, ces valeurs étaient corrélées au baril et des clients les utilisaient pour jouer la hausse du pétrole, témoigne Tanneguy Bujard, analyste chez Kepler Equities. Depuis, une décorrélation est intervenue. Aujourd'hui, la première raison de hausse boursière du secteur n'est plus la flambée du pétrole mais la réglementation européenne sur la réduction des émissions de CO2 ".
Toutefois, les thuriféraires du secteur ne croient pas à une bulle. Les investisseurs ont pourtant déjà eu droit récemment à un coup de semonce. " Entre janvier et mai 2006, les cours sont montés en flèche, puis quand les marchés ont consolidé, nombre d'entre eux ont subitement été divisés par 2, témoigne Sébastien de Blégiers, trader actions en charge du secteur chez Bryan & Garnier. Certaines valeurs n'ont jamais rattrapé leur pic de mai 2006 car il était dû à une bulle, d'autres, dans le solaire, ont simplement retrouvé leur sommet et enfin, dans l'éolien, certaines valeurs l'ont dépassé ". Par ailleurs, les énergies renouvelables ont déjà connu une vraie bulle il y a quelques années, avec un sommet en avril 2001 avant un effondrement jusqu'en 2003. Malgré la hausse actuelle des cours, les fonds spécialisés qui s'en sortent le mieux, comme celui de Sarasin, n'ont d'ailleurs pas encore renoué avec le pic d'avril 2001, et à 335 couronnes, le cours d'une grande valeur comme le norvégien Vestas - leader mondial des turbines éoliennes - reste loin des 452 couronnes atteintes en novembre 2000 malgré une hausse de 268% depuis un an et demi. " De 2001 à 2003, le secteur a baissé avec l'ensemble du nouveau marché, d'autant que le soutien politique à la filière semblait incertain et que ses acteurs étaient en perte, justifie Arthur Hoffmann. Mais aujourd'hui, toutes les sociétés de notre portefeuille sont rentables " Un tournant souligné par tous les gérants, même s'il ne concerne encore que certaines valeurs. " Un plus grand nombre de sociétés du secteur sont rentables, observe Sandy Christie. Il y a 3 ans, un tiers des sociétés de notre portefeuille gagnaient de l'argent, 50% il y a un an, et les trois quarts aujourd'hui. Et les 10 principales valeurs du fonds ont une capitalisation boursière d'au moins un milliard de dollars, avec des PER s'étageant de 8 à 40 : en termes de valorisation, nous sommes loin des " dotcoms " qui atteignaient des PER de 100 ".
C'est encore beaucoup, mais " contrairement aux " dotcoms " du passé, les acteurs des énergies renouvelables ont des moyens de production tangibles, et opèrent dans un environnement sécurisé, remarque Tanneguy Bujard. Les compagnies d'électricité ont l'obligation légale d'acheter la production d'origine éolienne et solaire, via des contrats à long terme conclus à des prix élevés, car subventionnés. D'où une exceptionnelle visibilité sur les cash flow" et des rentabilités alléchantes, à la condition de ramener le coût de production de l'électricité à un niveau raisonnable.
L'éolien, la filière la plus mature
Pour cela, l'éolien est pour l'heure le mieux placé car il constitue la filière la plus mature. Il représente le gros des capacités électriques installées dans les énergies renouvelables (hors hydroélectricité), et attire la majorité des investissements. Les acteurs cotés y ont des capitalisations importantes (supérieures à un milliard de dollars), les sociétés sont internationales et très consolidées. En 2005 les 10 premiers fabricants de turbines ont vendu 95% des équipements mondiaux (équivalant à 11 407 mégawatts), avec une part de marché de 28% pour le danois Vestas, leader mondial, et de 18% pour l'américain GE Wind, suivis de l'allemand Enercon et de l'espagnol Gamesa.
La majorité des acteurs cotés sont allemands, ce pays possédant le plus important parc éolien au monde (suivi du Danemark et de l'Espagne), mais les sociétés ont su internationaliser leur activité pour contrer la saturation en fermes éoliennes de leur marché domestique. Ils gardent donc un fort réservoir de croissance hors d'Allemagne. Si en 10 ans, le parc éolien a été multiplié par 12 pour atteindre 71GW l'an dernier, il devrait encore quasi doubler d'ici 2010 selon le global wind energy council, avec, à la clé, 10 milliards d'euros d'investissements en équipements tous les ans.
Les coûts de production d'électricité éolienne ont baissé de 80% en 10 ans et compte-tenu de l'accroissement constant de la puissance des turbines employées (désormais 1 ou 2 mégawatts, mais aussi 5 MW et bientôt 7 voire 10), une turbine moderne produit annuellement 180 fois plus d'électricité qu'il y a 20 ans, à moins de la moitié du coût unitaire, selon l'observatoire global wind energy council. Cependant, malgré ces évolutions, hormis sur certains sites bien ventés, l'éolien est rarement rentable sans subventions, et il reste plus cher que l'électricité thermique. Selon JP Morgan, le prix de revient en 2008 de l'électricité pour les nouvelles installations en Europe Centrale ressort à 64,7 euros par mégawatt-heure pour l'éolien contre 61,4 euros pour une centrale à gaz et 61,3 euros pour une centrale à charbon, dans l'hypothèse d'un baril de pétrole à 60 dollars et d'une tonne de charbon à 70 dollars. Car les turbines coûtent cher et l'éolien, très capitalistique, supporte 1.100 euros par kilowatt de coût de construction, autant que le charbon mais avec une durée de vie de 20 ans seulement (contre 50 ans pour une centrale à charbon).
Après subventions, en revanche, les opérateurs éoliens affichent une belle rentabilité. En France, ils bénéficient depuis juin 2006 d'un prix de vente garanti pendant 10 ans de 82 euros par mégawatt-heure. Résultat : un taux de rendement interne (TRI) élevé, estimé à au moins 12% en 2008 par JP Morgan, contre 8% seulement pour les activités électriques classiques régulées. " Le TRI va de 11% à 30% selon les pays et les projets, estime Tanneguy Bujard. En génération d'électricité éolienne, la marge avant impôts et frais financiers (Ebit) est très élevée : 39% en France pour les parcs éoliens démarrés avant fin 2006, 43% en Allemagne, ou encore 53% en Espagne ". D'où l'emballement du marché même si Theolia et EDF Energies Nouvelles (EEN) dégagent une rentabilité moindre, leur marge étant abaissée par leur activité de vente de fermes à des tiers (destinée à financer la construction des leurs). Par ailleurs, les opérateurs cotés sont rares (Theolia, EEN et le grec Rokas), ce qui peut conduire en Bourse à une prime. Les trois plus grands producteurs éoliens ne sont pas des véhicules d'investissement sur le secteur, car il s'agit de grands groupes dans lesquels l'activité éolienne est minoritaire (les espagnols Iberdrola, Acciona et Endesa avec 4.000, 1.900 et 1.300MW installés respectivement). Avec 607MW instalés , EEN ne se classe qu'en cinquième position et vise 2.250 MW en 2011. " Au total, les 5 plus gros font 8.700MW installés et l'Europe devrait construire 40.000MW de plus d'ici 2010, mais le classement a peu de chances de changer", estime Tanneguy Bujard pour qui en 2010, Theolia devrait avoir installé pour sa part 850MW.
En dehors de France, les valeurs cotées sont avant tout des équipementiers fabriquant les turbines éoliennes ou des acteurs intégrés verticalement. En 2004 et 2005, les fabricants ont souffert d'une pénurie de composants et d'une inflation des coûts qu'ils n'ont pas pu répercuter sur leurs prix de vente, d'où, paradoxalement, une décroissance des volumes et des pertes, mais elles ont pris fin l'an dernier. " Vestas, comme les allemands Nordex et Repower, dégage un Ebit de 3 % à 5 % et devrait monter à 10 % voire 12 % car les volumes vont s'accroître, avec à la clé des économies d'échelle", estime Sébastien de Blégiers.
C'est honorable mais pas forcément pérenne. L'expérience montre que les subventions sont revues à la baisse quand les pays se rapprochent de leur objectif de développement dans cette filière, comme en Espagne, ou encore au Danemark, qui a atteint 90% de son objectif pour 2010 et où la réduction des subventions a ramené le TRI à 8% pour les nouvelles fermes. C'est un problème pour les projets à venir, sachant que les fermes ayant démarré, en revanche, sont sûres que leur régime tarifaire ne changera pas ensuite. Par ailleurs il est très difficile de discerner aujourd'hui la valeur des acteurs : les fabricants peuvent se faire distancer si une nouvelle technologie apparaît et " les opérateurs comme EDF Energies Nouvelles avec très peu de mégawatts installés sont difficiles à valoriser tant que leurs projets n'ont pas abouti, car le permis de construire n'est pas si facile à obtenir, souligne Sébastien de Blégiers. Un décalage d'obtention du permis peut être durement sanctionné par la bourse, le développeur allemand de fermes éoliennes Plambeck a chuté pour cette raison en 2006 " avant de rebondir de 70% cette année, jouant les montagnes russes.
Désormais, certains gérants affichent leur réticence. " Les fusions et acquisitions ont rendu l'éolien beaucoup trop cher, le PER sectoriel atteint 40 pour 2007 et 22 en 2008 !" souligne Arthur Hoffmann qui est désormais investi à 8% seulement en éolien contre 28% dans des valeurs du solaire.
Le solaire, plus de croissance mais plus de risques
Car le solaire est une filière plus jeune donc moins chère. " Le secteur a un PER de 42 pour 2007 mais il baisse à 18 dès 2008 car le profit de sociétés va s'accroître, souligne Arthur Hoffmann. Elles ont investi en 2006 et cette année dans des capacités de production, ce qui va se refléter dans leurs résultats l'an prochain ". L'essor boursier du solaire n'a commencé qu'en 2004 avec l'apparition de subventions en Allemagne, là encore le leader mondial avec 800MW installés. Les acteurs, en vaste majorité allemands, sont plus nombreux que dans l'éolien, et " ils ont un profil qui permet d'espérer faire des affaires : Ils sont plus petits et doivent encore s'internationaliser, explique Sébastien de Blégiers. Ce sont d'ailleurs les acquisitions à l'international qui font désormais monter leur cours. " Et les cours montent vite car " la situation a beaucoup changé depuis un an et demi dans le solaire, souligne Arthur Hoffmann. Solarworld, par exemple, a désormais 30% de son activité à l'étranger ". L'allemand, qui constitue, malgré un PER 2008 de 24 plutôt élevé, l'un des favoris des investisseurs, est un géant illustrant le fait que le solaire comprend désormais lui aussi de grosses capitalisations. Mais dans l'ensemble, le secteur est quand même bien plus volatile et donc risqué que l'éolien. D'ailleurs, " nombre d'investisseurs généralistes, qui ont subi le retournement boursier brutal de mai 2006, se ré-aventurent sur les fabricants de turbines éoliennes depuis l'OPA sur Repower. En revanche, ils ne sont pas revenus sur le solaire, qui est un secteur plus risqué", observe Sébastien de Blégiers.
Du point de vue de ses partisans, le solaire, où l'Allemagne se classe deuxième producteur mondial derrière le Japon, présente toutefois nombre d'atouts. " La visibilité sur les cash-flows futurs du solaire photovoltaïque est encore meilleure que celle de l'éolien, car l'ensoleillement est plus stable d'une année sur l'autre que le vent ", poursuit Sébastien de Blégiers. En revanche, la rentabilité des acteurs varie fortement selon les pays. Ainsi, l'Allemagne ne compte que 900 heures d'ensoleillement par an contre 1.700 en Espagne, pays où le solaire serait presque rentable. Presque, car l'énergie solaire reste très chère. Les coûts devraient baisser à l'avenir, mais pour l'instant, " le solaire photovoltaique est extrêmement capitalistique : un mégawatt demande un investissement de 1,1 à 1,3 million d'euros dans l'éolien, contre 4 à 5 millions d'euros dans le solaire, souligne Sébastien Caron, analyste chez Fideuram Wargny. Alors qu'en France dans l'éolien le prix subventionné d'achat du mégawatt-heure est de 82 euros pendant 10 ans, il est de 300 euros pendant 20 ans dans le solaire (400 euros dans les DOM). Mais le coût de production est à l'avenant : il peut être estimé actuellement de 250 à 300 euros le mégawatt-heure ". Ces coûts exorbitants et l'absence d'exploitant solaire coté touchent peu les investisseurs, car "même si la production d'électricité à partir du solaire n'est pas compétitive hors subventions, les fabricants de panneaux solaires, eux, sont dans leur grande majorité rentables ", remarque Laurence Hénaff, gérante de SGAM Invest Europe Développement Durable.
La rentabilité des acteurs dépend toutefois de leur position dans la chaîne de fabrication. Car comme l'éolien, le solaire a dû gérer la surchauffe. Une pénurie de silicium a fait bondir son prix de 30 dollars le kilo jusqu'à un pic de 300 dollars l'an dernier, stoppant net la croissance, en aval, des fabricants de panneaux solaires. "Certaines sociétés avaient sécurisé des contrats d'approvisionnement à long terme en silicium mais d'autres n'en ayant pas ou pas suffisamment ont dû en acheter au prix du marché et ont fait des pertes, à l'instar de l'allemand Sunways", souligne Laurence Hénaff.
Dans ces conditions, les équipementiers positionnés les plus en amont, au niveau de la production de silicium, sont aujourd'hui les plus rentables et les mieux valorisés en Bourse. Leur retour moyen sur capitaux employés ressort à 18% contre 14% plus en aval selon les estimations de Goldman Sachs et leur marge opérationnelle (EBIT) moyenne en Europe à 38%, contre 12% pour la fabrication de cellules et 7% pour l'assemblage de panneaux. Mais nombre d'acteurs sont présents sur plusieurs maillons de la chaîne. Globalement " en aval, un pur distributeur comme Conergy AG dégage une marge d'environ 7% contre 20% en amont, voire 25% à 30%pour les meilleurs, précise Sébastien de Blégiers. SolarWorld devrait atteindre 24% cette année ".
Compte-tenu de cette situation, les acteurs se réorientent, comme Conergy qui va se lancer dans la fabrication pour devenir intégré, et les investisseurs adoptent diverses stratégies. Certains favorisent les acteurs de l'amont comme le géant norvégien Renewable Energy Corp (REC), qui bénéficient de l'effet pénurie de silicium, d'autres tels la banque Sarasin préfèrent des acteurs intégrés verticalement à l'instar de Solarworld et de Q-Cells pour ménager l'avenir. D'autres enfin comme Goldman Sachs prônent de miser sur l'aval, c'est-à-dire les fabricants de panneaux. " La pénurie de silicium devrait s'achever en 2008, et les marges de l'amont devraient alors baisser, tandis que la rentabilité s'améliorera dans l'aval, d'où des opportunités d'investissement actuellement ", estime Goldman Sachs qui souligne le risque de baisse boursière de REC.
Il existe donc des incertitudes sur la stratégie gagnante à l'avenir, mais les investisseurs partisans du solaire jouent par ailleurs la sécurité en préférant unanimement les acteurs de grande taille. Outre qu'eux seuls bénéficient de contrats d'approvisionnement à long terme en silicium, " il faut être gros pour faire de la recherche sur les substituts au silicium (Selenium, et autres) et les technologies de couches minces, qui sont l'avenir" estime Sébastien Caron. Le silicium pèse lourd dans le coût de production d'une cellule solaire. Or la technique embryonnaire des couches minces n'utiliserait que 1% du silicium d'une cellule traditionnelle. Affichant leur confiance, certaines sociétés prévoient une réduction de 50% des coûts des cellules d'ici 2010. La forte montée en puissance des capacités de production en Chine d'ici 2008 devrait y contribuer.
Même ainsi, vu l'importance des coûts du solaire en Europe, les subventions ne risquent pas de s'arrêter de si tôt ou de décliner comme dans l'éolien...sauf si l'Europe change ses priorités politique en matière d'énergies renouvelables. Le risque existe bien sûr aussi pour l'éolien, mais le solaire, moins mature, parait encore plus vulnérable à un retournement d'opinion. La Commission de régulation de l'Energie, en rendant l'an dernier son avis sur les subventions solaires, a déjà souligné que l'énergie dépensée à fabriquer les cellules solaires ne rendait finalement pas la filière très économe en CO2 ! Un comble pour cette énergie réputée propre. Par ailleurs, pour produire un mégawatt en solaire, il faut actuellement une superficie de 1,5 à 2 hectares, tandis qu'un pilone suffit en éolien...Si les projections actuelles tablent sur une croissance mondiale des installations solaire de 27% par an jusqu'en 2015, il est difficile de présumer de la volonté politique sur un horizon si long.
Investir sur les activités en développement : l'efficacité énergétique
Les investisseurs à la recherche de nouveautés dans les énergies renouvelables ont été séduits depuis un an par un créneau inédit : l'efficacité énergétique, ou " DSM " (Demand supply Management). " Un acteur comme Ecosecurities installe dans les pays émergents des projets d'énergie renouvelable et gagne ainsi des crédits CO2 qu'il revend aux industriels, explique Sébastien de Blégéiers chez Bryan & Garnier. L'octroi des crédits se fait quand le projet entre en fonctionnement, il est donc normal que ce type de sociétés ait des marges négatives au début de son activité, comme Ecosecurities , mais le français Velcan se rapproche de la rentabilité ". Son cours ne décolle pas, mais celui du britannique Ecosecurities est passé de 200 à 350 pence depuis janvier. D'autres sociétés, souvent des équipementiers, conçoivent des procédés d'économie d'énergie, mais c'est rarement leur seule activité. " L'efficacité énergétique n'est pas facile à comprendre car il y a peu d'acteurs cotés mais il est intéressant d'investir dans un groupe dont c'est 20% ou 25% de l'activité avec un fort potentiel de développement ", assure Bjørn Tore Urdal, analyste pour le fonds spécialisé SAM Smart Energy, qui y consacre un tiers de ses capitaux et aime actuellement Schneider Electric, Johnson Controls pour ses solutions catalytiques, ou encore l'équipementier automobile américain Roper industries qui conçoit des systèmes économes en carburant.
Les acteurs français
Séchilienne Sidec. Le spécialiste français des centrales électriques fonctionnant à la biomasse prend pied dans l'éolien et le solaire photovoltaique et multiplie les projets. Discret, mais coté depuis plus de 15 ans, son cours est passé de 5 à 45 euros depuis 2005. " Sa hausse boursière est notamment due à une augmentation de son flottant suite à la sortie de fonds de Private Equity courant 2006 ", commente Laurence Hénaff, gérante de SGAM Invest Europe Développement Durable. Séchilienne Sidec constitue une valeur plus sûre que nombre de jeunes sociétés des énergies renouvelables, dans le sens où la société est rentable (plus de 30% d'Ebit), en croissance régulière, et pas encore trop chère, avec un PER 2008 de 19 selon le consensus de Bloomberg. Le CM-CIC lui assigne un objectif de cours de 50 euros.
Theolia. L'opérateur français de parcs éoliens reste moins cher que son rival EDF Energies Nouvelles mais...très cher quand même vu ses faibles capacités installées. Tout est à l'état de projets, mais son partenariat avec GE Financial Services a renforcé sa crédibilité. D'importantes annonces sur de nouveaux projets sont prévues en mai ou en juin et Kepler Equities lui assigne un objectif de cours de 32 euros tout en reconnaissant que l'action pourrait tout aussi bien doubler. Ou chuter, selon Fideuram Wargny qui l'estime déjà trop cher, les gérants soulignant, eux, le manque de fiabilité du management.
EDF Energies Nouvelles. La filiale à 50% d'EDF est la star absolue des producteurs d'électricité éolienne, mais les analystes la jugent unanimement hors de prix ! à 45?, son PER 2008 atteint 31 selon le consensus de Bloomberg. Ce prix élevé " ne rémunère pas les investisseurs pour le risque d'exécution du plan de développement de la société ", estime JP Morgan. L'explosion de la demande d'équipements éoliens a créé une spirale inflationniste, voire d'importants délais d'approvisionnement. Autant de risques conduisant à aller chercher de la valeur ailleurs selon JP Morgan. Cela dit, la moitié des analystes sont encore à l'achat.
Biocarburants : le modèle économique reste à inventer
Les acteurs indépendants cotés ont été affectés l'an dernier par la fin des subventions en Allemagne et connaissent, pour le moment, un problème de modèle économique.
En 1895, le moteur inventé par Rudolph Diesel fonctionnait à l'huile d'arachide. Aujourd'hui, les biocarburants à base de produits végétaux reviennent en force : maïs aux Etats-Unis, canne à sucre au Brésil, betterave en Europe, etc. Bruxelles vient d'imposer un objectif de 10% de biocarburant dans les carburants employés en 2020 et Goldman Sachs prévoit pour les cinq prochaines années une croissance annuelle de 13% dans l'éthanol (destiné à l'essence) et surtout de 35% dans le biodiesel.
Les investissements déjà annoncés devraient porter la production de biodiesel de 5 millions de tonnes par an aujourd'hui environ à 12 millions en 2010 selon les estimations de Goldman Sachs, tandis que les ventes passeraient de 3 milliards d'euros en 2006 à plus de 8 milliards en 2009.
Les producteurs d'éthanol (pour l'essence) et d'huiles végétales (pour le biodiesel) font souvent partie de grands groupes agroalimentaires comme le sucrier Südzucker, et les compagnies pétrolières se positionnent, mais entre les deux, il existe des acteurs indépendants cotés. Ils interviennent au niveau de la fabrication, mais tous ne se placent pas de la même façon. Ainsi, le britannique D1 Oils a opté pour une intégration amont, il achète des plantations de Jatropha en Asie du sud-est et en Afrique pour sécuriser ses sources d'approvisionnement. L'allemand Biopetrol et Biofuels Corporation se limitent, eux, au processus de fabrication mais en construisant leurs unités de production dans des zones littorales pour optimiser leur coût d'approvisionnement. Difficile, pour l'instant, de discerner quelle sera la stratégie gagnante, d'autant que pour l'instant, c'est le modèle économique même des producteurs de biocarburants qui connaît des problèmes, de trois ordres.
Risque de surcapacités
Tout d'abord, il existe un risque de surcapacités. Le secteur est très fragmenté et a peu de barrières à l'entrée. La distillation du biodiesel est une technologie assez simple qui requiert peu de capital : selon les calculs de Goldman Sachs, une usine d'une capacité de 400 tonnes par an de biodiesel vaut autour de 75 millions d'euros contre 3 milliards pour une raffinerie de 200.000 barils par jour.
L'Allemagne se trouve en situation d'excès de production car elle produit 3.000 tonnes contre 1.500 requises pour respecter le mélange réglementaire à 5%. Le reste doit aller à l'export ou en biocarburant non mélangé, le B100. Ceci place les acteurs allemands en position de faiblesse et les a empêché de répercuter au consommateur la hausse du prix des matières premières végétales. L'importance de la production allemande a aussi eu un effet indirect : la filière gagnant en maturité, le gouvernement allemand a décidé mi-2006 une baisse programmée des subventions d'ici 2012, ce qui a fait s'effondrer en bourse l'allemand Biopetrol.
Usines non rentables
Deuxième problème, le prix de vente du biodiesel est aujourd'hui déterminé par le prix du gazole auquel s'ajoute une incitation fiscale, alors que 90% du coût de revient est lié au prix des matières premières agricoles. Les marges du secteur sont donc très volatiles, et basses en ce moment car les prix agricoles ont flambé.
Selon Goldman Sachs, rentabiliser une nouvelle usine de production de biodiesel exige un baril à 90 dollars si on raisonne sur le prix 2006 d'un panier de matières agricoles et 80 dollars dans l'hypothèse d'un prix moyen sur 10 ans de ce même panier agricole. Il faudrait prendre le prix le plus bas du panier depuis 10 ans pour concurrencer le baril de pétrole à son prix moyen de 42 dollars.
Cette situation pénalise les purs fabricants comme Biopetrol ou Biofuels et favorise D1 Oils. Elle explique qu'avec la flambée des matières agricoles, le marché soit moins emballé par le secteur des biocarburants. " Il y a 18 mois, le secteur était la mode et pas cher, aujourd'hui il faut être sélectif vu les problèmes de coût qui sont apparus, observe Michael Schafer, analyste chez le courtier allemand Equinet. Le colza, par exemple, représente 95% du coût variable des fabricants l'utilisant, or il est à 270 euros la tonne, contre 120 euros il y a un an et demi " .
Pour sortir de cette impasse, il faudrait découpler le prix de vente du biodiesel de celui du diesel, pour qu'il puisse augmenter en lien avec les matières premières utilisées. Pour y parvenir, les observateurs placent leurs espoirs dans l'apparition de normes obligatoires de mélange du biodiesel avec le gazole (elle existe au Brésil, elle sera de 5% en Allemagne à partir de 2007, et du même niveau au Royaume-Uni en 2010). Ceci pourrait créer un marché du biodiesel, avec un prix spécifique non lié au gazole. Dans ce scénario, avec un mélange obligatoire de 10%, Goldman Sachs estime possible de rentabiliser une nouvelle usine de biodiesel.
Transition technologique
Mais le modèle économique de la filière souffre d'un troisième problème. Les producteurs indépendants des biocarburants sont en transition technologique car la technique actuelle n'est pas tenable. Les terres arables ne suffisent pas pour la production à grande échelle de biocarburants. En Europe, un mélange obligatoire à 10% (qui est l'objectif en 2020) monopoliserait déjà 30% des terres. Il faut donc passer à un biocarburant de seconde génération (dit cellulosique), et les investisseurs se tournent déjà vers les valeurs qui lui sont liées.
" Le biocarburant et le bioethanol, nous ne sommes pas trop pour, cela ne fait pas de sens de mettre des aliments dans le carburant, explique ainsi Arthur Hoffmann, gérant du fond New Energy de la banque suisse Sarasin. Nous n'investissons que dans les actions du cellulosique, par le biais des sociétés qui font les machines, comme Sunopta et Abengoa ". Ce dernier, un groupe diversifié espagnol qui est le premier producteur européen de biodiesel, s'en sort mieux que d'autres. Il a progressé de 30% en un an en Bourse, une paille comparé aux acteurs du solaire et de l'éolien, mais cela reste mieux que les 42% de baisse de l'anglais D1 Oils ou les presque 80% de chute de l'allemand Biopetrol.
Source : Les Echos - Myriam Chauveau
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