AE : Le ministère délégué à l'industrie vient de publier les derniers chiffres sur la situation de l'éolien en France. Que vous inspirent-ils? 12 mètres
JYG : En reprenant les divers chiffres du ministère, on arrive à un total de 3300 MW éoliens qui devraient être érigés entre les années 2003 et 2008. Pour savoir si ces résultats sont satisfaisants, on doit les comparer avec la feuille de route qu’il conviendrait de respecter pour atteindre l’objectif de la directive européenne en matière de production d’électricité renouvelable (SER).
D’après l’étude** réalisée par FEE* en 2002, le respect de cette feuille de route imposerait d’avoir installé quelques 4300 MW entre 2002 et 2008, c'est-à-dire 1000 MW de plus que ce qui pourra être fait avec les permis obtenus jusqu’en 2005. Compte tenu du délai d’environ 2 ans entre l’obtention d’un permis purgé de recours et la mise en service industrielle, seuls des permis obtenus durant l’année 2006 pourront contribuer à augmenter le nombre d’installation d’ici fin 2008. Avec un taux de recours de 30%, il faudrait que 1400 MW de permis soient délivrés cette année et même 1700 pour rattraper le retard pris à fin 2005. Ainsi, la dynamique de baisse des obtentions de permis entre 2004 (1500 MW) et 2005 (1200 MW), me semble plutôt inquiétante.
Si la profession s’est correctement mobilisée pour répondre avec quelques 4600 MW de projet en cours d’instruction au 1 février 2006, les services de l’État, quant à eux, semblent avoir du mal à suivre le rythme qu’il serait nécessaire de respecter. Si, comme le suggère le ministère de l’industrie, les modifications de la réglementation introduites par la loi POPE expliquent en partie l’augmentation des délais d’instruction, je ne partage pas l’optimisme de ce même ministère lorsqu’il dit que tout devrait rentrer dans l’ordre maintenant que la circulaire sur les ZDE a été publiée. Effectivement, FEE a dénombré environ 3000 MW éoliens dont l’instruction est bloquée à cause d’avis défavorables de Météo France et du ministère de la défense car aucune directive n’a été donnée aux services instructeurs sur la question des radars. Et, si par cas, ces derniers prennent une décision, l’arbitrage est le plus souvent défavorable à l’éolien, alors qu’une meilleure prise en compte des enjeux tournerait le plus souvent à son avantage. Il y a donc urgence à ce que les services centralisés de l’État édictent des consignes claires et représentatives des enjeux, pour sortir de l’impasse actuelle sur cette question.
De plus, l’arrêté PPI (Programmation Pluriannuelle des Investissements) paru le mois dernier a fixé des objectifs pour l’éolien en forte hausse par rapport à l’arrêté précédent puisqu’il s’agirait d’avoir installé 14500 MW d’ici à fin 2010, c'est-à-dire 6000 MW de plus que nos prévisions 2002. Si, dans un sens, cet arrêté satisfait la profession puisqu’il signe une reconnaissance implicite du rôle central de l’éolien pour atteindre les objectifs de la directive SER, il va imposer de changer le rythme de délivrance des permis pour atteindre dans les temps les niveaux affichés dans cet arrêté. Pour ce faire, je plaide pour la mise en place d’un cadre réglementaire, éventuellement spécifique à l’éolien sur certains points, qui soit adapté aux enjeux. Il s’agirait par exemple de procédures d’autorisation qui fassent que les blocages que l’on constate actuellement dans l’instruction des permis de construire ne soient plus possibles ou encore que la réglementation acoustique soit plus adaptée à la spécificité de l’éolien.
Il conviendrait en plus de mettre en place un comité national éolien réunissant les diverses administrations concernées et les professionnels pour arbitrer les conflits d’usages en fonction des vrais enjeux de chacun des usages (exemple des radars militaire ou de Météo France) et définir des procédures qui imposent aux autres usagers du territoire de tenir compte de la problématique éolienne. Ce comité serait également chargé de revisiter le dispositif de servitudes aériennes militaires en fonction des enjeux, voire de suppléer le niveau décentralisé de l’État sur les projets à enjeu, et enfin de donner des directives aux tribunaux administratifs pour que les recours sur l’éolien soient traités prioritairement.
En dernier lieu, il est difficile de parler de la situation actuelle de la filière éolienne sans dire un mot sur les tarifs. Je tiens à attirer l’attention des pouvoirs publics sur le fait que le tarif publié en juillet dernier ne permet pas d’atteindre le minimum de rentabilité requise sur les sites les moins ventés qu’il sera nécessaire d’équiper pour atteindre les objectifs. Ceci hypothèque donc considérablement le développement de la filière au-delà de 5 à 7000 MW.
AE : La loi fixant les orientations de la politique énergétique a instauré des changements en ce qui concerne l'éolien comme le changement des seuils des permis de construire et des études d'impact ou l'instauration des zones de développement de l'éolien (Z.D.E.). Pensez-vous que les mesures contribueront à dynamiser la filière?
JYG : Durant le débat sur la loi sur l’énergie, FEE a pris position en faveur de ces zones car les ZDE vont permettre aux élus locaux d’être force de proposition sur le devenir énergétique de leurs territoires puisqu’ils vont proposer au préfet les zones où ils veulent développer des projets même si, in fine, c’est quand même l’État qui garde le contrôle de la décision. Ainsi, la volonté politique des communes doit conduire à identifier des potentialités.
On a donc maintenant un dispositif à deux étages : celui du politique avec les ZDE, puis la validation technique avec l’étude d’impact.
Bien que s’en défende la ministre Nelly Ollin, le risque est que dans la circulaire d’application des ZDE, le document à produire par les communes devienne une étude d’impact bis, ôtant aux élus les prérogatives que leur avait donné la loi. J’espère que ça ne sera pas le cas, mais je ne peux pas cacher que j’appréhende fortement l’application sur le terrain de ce nouveau dispositif, d’apparence simple mais en réalité complexe quand à sa mise en œuvre, vu la diversité des cas de figure qui peuvent se présenter. Et le passé récent dans l’éolien a montré que chaque nouvelle disposition réglementaire était plutôt source de difficulté et de délai supplémentaire que de simplification et d’accélération de la procédure…
AE : Les refus de permis de construire des éoliennes restent en grande partie motivés par des considérations paysagères et acoustiques. Qu'en est-il réellement des nuisances sonores liées aux éoliennes et des impacts paysagers ?
JYG : Les règles acoustiques qui régissent l’éolien en France sont issues de la réglementation des bruits de voisinage. Ses exigences sont les plus draconiennes que je connaisse dans le monde pour les projets éoliens.
De plus, cette réglementation n’a pas été pensée par rapport à la problématique de l’éolien : elle recèle donc trop de marge d’interprétation et son application dans le sens le plus restrictif qu’elle autorise, révèle une inadaptation complète par rapport aux enjeux.
Néanmoins, les professionnels font beaucoup d’efforts pour la respecter. Mais comme, je le disais précédemment, elle est parfois appliquée en dehors de tout “bon sens” : des projets sont remis en cause alors que l’impact sonore serait tout à fait acceptable au vu des enjeux. Il me paraît donc urgent de mettre en place une réglementation acoustique spécifique à l’éolien dont la première étape sera de repréciser les enjeux en terme de santé publique. Rappelons enfin que les éoliennes sont des installations très silencieuses et qu’il convient donc de ne pas les diaboliser : on est loin du bruit généré par le trafic automobile, une voie ferrée, un couloir aérien !
AE : À l'occasion du colloque du SER, les professionnels du monde agricole et ceux de l'éolien ont renouvelé leur partenariat en signant une version actualisée du protocole national éolien. Qu'apporte concrètement cet accord?
JYG : Le protocole national éolien est en fait un cadre et une boîte à outils en vue d’élaborer les contrats de location sur des terrains agricoles et d’indemnisation qui permettent l’installation d’éoliennes sur un terrain. Négocier dans le cadre qu’il défini, donne des garanties pour que les intérêts des parties soient préservés. Il instaure donc la confiance dans la relation entre les protagonistes d’un contrat de location.
AE : À votre avis, à moyen à terme, peut-on envisager des mini-éoliennes pour des particuliers ou des groupements de maisons ou immeubles ?
JYG : Les éoliennes sur les toits des immeubles, comme on a pu les voir récemment dans le Pas-de-Calais, ne me semblent pas une bonne idée car ce sont le plus souvent des zones peu ventées et très turbulentes, sauf à les monter très haut ce qui n’est alors plus pertinent économiquement. Par contre ériger des éoliennes de quelques dizaines ou centaines de kW sur des terrains bien exposés peut avoir du sens dans certains cas. Malheureusement, aujourd’hui la réglementation française, qui oblige à ce que toute éolienne de plus de
Source : Actu Environnement
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